Les nouvelles technologies révolutionnent tous les secteurs économiques, en permettant l’arrivée de nouveaux acteurs s’affranchissant des intermédiaires traditionnels. Cette désintermédiation est en train de toucher à son tour le secteur financier, avec la création et le développement des Fintechs, ces sociétés financières innovantes qui s’affranchissent des lourdeurs traditionnelles… et parfois aussi des régulations actuelles. L’Autorité des Marchés Financiers (AMF) a décidé de prendre en compte leurs spécificités en créant une nouvelle division dédiée à ces acteurs émergents, la division FIC.
1. L’état des lieux du marché des Fintech en France
Les Fintechs sont en plein boum en France : les levées de fonds ont atteint 79 millions d’euros en 2015 en France, comme le relève EY dans son baromètre du capital risque en France, ce qui fait de notre pays le cinquième pays au monde (et troisième en Europe) en ce domaine, un rang cohérent avec son importance économique globale. Les nouvelles sociétés sont cependant encore en phase d’amorçage ou de développement, comme en témoigne un chiffre d’affaires global estimé à 115 millions d’euros pour la même année 2015 : le ratio entre chiffre d’affaires et levée de fonds (moins de 1,5) est caractéristique d’une phase initiale de développement.
Cependant, compte tenu des taux de croissance très élevés observés dans ce secteur prometteur, les chiffres pour 2016 seront certainement nettement plus élevés que ceux de 2015, et l’on peut gager que parmi ces Fintechs françaises émergeront rapidement quelques géants, à l’image de ce qui se passe déjà aux Etats-Unis où par exemple plusieurs plates-formes de financement sont d’ores et déjà valorisées au-delà du milliard de dollars.
2. Fintech : la FIC c’est quoi ?
L’Autorité des Marchés Financiers (AMF), consciente de l’importance croissante de ces Fintechs françaises, a anticipé en créant une nouvelle division Fintech, Innovation et Compétitivité (plus brièvement baptisée FIC) au 1er juin 2016. Cette nouvelle division FIC, à laquelle ont été affectées quatre personnes à plein temps en sus des experts susceptibles d’être sollicités ponctuellement, a pour mission de prendre en compte les innovations dans le domaine de l’investissement et d’identifier ainsi les besoins de régulation induits par ces innovations. Elle organisera deux ou trois fois par an un forum spécifique dédié aux Fintechs, afin de permettre de faire émerger tous les nouveaux sujets, et coordonnera les besoins de régulation du secteur avec les autorités européennes et/ou internationales.

Plateforme de financement participatif
3. La FIC, quels enjeux ?
La division FIC a pour ambition d’assurer aux utilisateurs des nouvelles Fintechs la même protection qu’aux utilisateurs des services financiers traditionnels sans pour autant entraver le développement de ces Fintechs ni mettre en péril les acteurs traditionnels du secteur (banques, etc.) par des règles déséquilibrées.
L’une des premières décisions de Franck Guiader, le directeur de la nouvelle division FIC, a été ainsi de ne pas suivre l’exemple du régulateur britannique qui avait concédé aux Fintechs des règles spécifiques moins contraignantes que les règles générales appliquées aux acteurs traditionnels : cette politique de règles adaptées, dite politique du bac à sable (ou de la « sandbox » en anglais), aurait certes favorisé la croissance des nouvelles sociétés, en leur offrant des règles créés sur mesure et en général allégées, mais au risque de défavoriser les acteurs traditionnels soumis à des régulations plus lourdes ou encore d’atténuer la protection des utilisateurs finaux (voire à terme de saper leur confiance en ne répondant pas aux exigences de transparence). La division FIC entend quant à elle moduler les règles non pas en fonction des spécificités des Fintechs mais au contraire du volume et de la nature de leur activité.
La division FIC entend également aider les Fintechs durant leur phase de développement, en restant à leur écoute et en les conseillant si nécessaire sur les règles à respecter et statuts à adopter. La nouvelle division FIC de l’Autorité des Marchés Financiers doit également identifier en amont les sujets potentiellement problématiques : ainsi les conseils d’investissement automatisés pourraient dans le futur faire l’objet de règles différentes de celles s’appliquant aux conseils en investissement traditionnels, ou bien encore l’usage à des fins d’analyse des grands volumes de données (big data) sera-t-il surveillé afin d’identifier les dérives potentielles.
4. Régulation Fintech, la France est elle en retard ?
La création de la division FIC de l’AMF intervient certes après les premières initiatives des pays anglo-saxons dans le domaine de la régulation des Fintechs, ces pays ayant été confrontés plus précocement à l’émergence de Fintechs importantes. Elle intervient cependant alors que les Fintechs françaises sont en phase de démarrage, un stade idéal pour accompagner leur développement sans les entraver inutilement : l’AMF se positionne suffisamment tôt sur le développement des nouveaux acteurs, sans prendre le risque de bloquer la croissance des Fintechs en leur imposant en amont des règlesqui auraient pu à l’usage se révéler inadaptées. La volonté de dialogue avec les Fintechs de cette nouvelle division AMF et l’agilité promise d’une division FIC à l’écoute du secteur Fintech peuvent se révéler à l’avenir des atouts majeurs pour le développement des Fintechs françaises…
En résumé
La création de la division FIC par l’AMF témoigne d’une volonté d’accompagner avec pragmatisme le développement des Fintechs, en organisant leur régulation au fur et à mesure de l’émergence des besoins. L’Autorité des Marchés Financiers semble décidée à permettre un développement sain des Fintechs, en organisant une régulation évolutive en fonction des innovations qui apparaîtront, sans entraver leur essor ni renoncer aux objectifs de transparence et protection de la régulation financière…